Il semble que les gens ne quittent pas les entreprises mais ils quittent les gens et surtout les managers. Quelles peuvent être les raisons qui amènent les gens à partir ? Je dis souvent aux chefs d’entreprise que si un collaborateur vous quitte et change carrément de métier ou quitte votre secteur d’activité sans envie d’y revenir, vous pouvez quelque part vous réjouir, on peut supposer que la personne a un défi avec votre secteur d’activité et non avec vous, (ceux qui aiment chercher la petite épingle diront que c’est possible que le manager ait fait détester le secteur au collaborateur : je ne vais pas m’intéresser ici à cet aspect) ; mais quand quelqu’un vous quitte pour se retrouver dans le même secteur que vous, va performer avec un autre manager ou encore décide de se lancer lui-même et réussit encore plus, Il vous faut regarder dans votre miroir. Voyons ici les raisons qui selon moi peuvent amener le départ d’un collaborateur.
1. Infantilisation
Une des raisons de contre-performance dans les entreprises que j’ai remarqué, c’est l’infantilisation dont font montre les managers vis-à-vis des collaborateurs. Il y a deux éléments qu’il faut regarder de près dans cette partie.
a) Lorsqu’il s’agit de fixer les objectifs aux collaborateurs, la plupart des managers ne prennent pas le temps d’expliquer les choses, ils passent rapidement sur les éléments et supposent que les gens devraient savoir de par leurs formations et leur ancienneté. Dans la plupart des cas, eux-mêmes (managers) ne savent pas comment procéder pour fixer des objectifs et surtout comment faire le suivi à travers un plan clair couplé de coaching pour s’assurer que les gens sont à même de produire le résultat qu’ils attendent. Comme j’aime le dire souvent au cours de mes formations sur la délégation de pouvoir, beaucoup de managers font souvent de la délégation par contrainte (défis de temps, incompétences, …). Vous verrez dans certains cas que c’est à la veille de leurs congés ou départ en mission qu’ils confient des tâches aux collaborateurs sans aucune méthode de délégation.
b) Lorsqu’il s’agit maintenant de contrôler, d’évaluer et de sanctionner le travail des collaborateurs, les managers sont des maitres incontestés de l’infantilisation, vous pouvez entendre des phrases du style :
- Vous avez dit avoir un Master, une licence ou doctorat non ? c’est le résultat d’un docteur que vous avez produit là ?
- Où avez-vous obtenu votre diplôme exactement ?
- Votre place n’est pas dans une entreprise, votre place est au marché
- Si pour un petit travail comme celui-ci, vous avez besoin de tant de temps, vous pensez qu’on vous confiera plus ?
- Combien de fois dois-je vous expliquer la même chose ? en notre temps on n’avait personne pour nous aider, vous, vous avez de la chance
- Votre travail ne vaut rien, allez reprendre vos études…
Puisque nous sommes dans un monde où le niveau d’estime de soi et surtout les histoires de réussite pullulent un peu partout, les gens sont conscients qu’ils peuvent essayer les choses par eux-mêmes et ne sont pas tenus de rester dans l’entreprise pour réussir. Lorsque l’infantilisation prend de l’ampleur, les gens n’hésitent pas à s’en aller. Dans certains cas, ils n’ont même pas encore d’autres opportunités ou propositions.
2. Trop de travail
Vous connaissez déjà toutes ces histoires des gens qui se défenestrent parce qu’ils n’en peuvent plus. On leur en demande tellement au boulot qu’ils ne savent plus où se donner la tête.
– Parfois les entreprises avec leurs défis, même si elles savent qu’elles sont en sous effectifs, ne peuvent pas recruter.
– D’autres entreprises pour des raisons d’optimisation de ressources, même si elles peuvent recruter, n’en font rien.
– Et naturellement, la raison la plus décriée est le style de management des patrons qui poussent les gens à un niveau où ils se retrouvent à un point de rupture et de bascule et ils cèdent.
Vous comprenez que lorsqu’une personne se donne la mort c’est un point de non-retour. Une des choses qu’on perd de vue généralement aussi c’est que s’ajoutent aux défis professionnels de management, des objectifs à atteindre…, les défis d’ordres personnels, émotionnels, familiaux, de foyers…, auquel les gens confrontés. Aujourd’hui les gens sont devenus tellement fragiles qu’un certain niveau de pression les font céder. Certaines études ont montré que les gens qui sont sous haute pression et stress mais ont une vie familiale, personnelle bien remplie, sont plus à même de s’en sortir. Mais quand beaucoup font le point et ont le sentiment que c’est noir partout, pour certains c’est la mort, d’autres la paranoïa, certains perdent beaucoup de leurs facultés intellectuelles. Beaucoup qui n’arrivent pas à supporter le volume et la charge de travail décident donc de s’en aller.
3. Peu de travail
Très souvent lorsqu’on veut se débarrasser de certaines personnes dans les entreprises, on les met au garage. Le cas d’un nouveau Directeur Général qui vient avec de nouvelles idées et une nouvelle vision mais qui n’a pas envie de fonctionner avec la vielle garde. Généralement, ils donnent un nouveau poste avec un titre pompeux mais vide de sens et dans un bureau à l’écart des centres de décision avec le moins d’interactions avec le reste de l’équipe à la personne dont ils veulent se séparer. Un nouveau DG qui ne veut pas collaborer avec le DRH par exemple qui est là depuis des décennies, mais conscient du réseau et de la maitrise de l’environnement du DRH, ne peut le virer directement. Donc, il vide son poste de tout contenu mais avec un bon salaire et les avantages qui vont avec. Mais comme vous le savez, il n’y a rien qui puisse tuer un manager que le sentiment d’inutilité. La plupart des gens sont frustrés de voir qu’ils n’apportent rien ou qu’on ne leur demande rien, ni ne les sollicitent pas sur des dossiers pour lesquels ils peuvent produire du résultat. Certains me diront qu’à partir du moment où l’on a son salaire et les avantages, il n’y a pas d’inconvénients. Celui qui dira cela, perd de vues trois choses :
– Vous vous atrophiez au fur et à mesure que vous n’utilisez pas vos compétences et capacités ;
– Vous êtes entrain de vous faire oublier et un jour, vous disparaitrez sans bruit et vous dissoudrez tranquillement sans trace comme un médicament effervescent ;
– Même si vous demeurez là en utilisant les biens de l’entreprise pour vos propres affaires, vous êtes en train de violer les lois de la nature.
Le fait que parfois les gens ont le sentiment de ne pas faire grande chose dans l’entreprise, n’est pas forcément un acte délibéré du management, mais c’est aussi dû au fait que l’entreprise connait des difficultés, a arrêté de croitre , peine à suivre le changement et les innovations dans son secteur, ou a un défi de management et de leadership de ceux qui ont en charge la conduite des activités…
In fine la personne qui a l’impression qu’elle n’apporte plus rien dans l’entreprise, peut décider de s’en aller. Très souvent dans ces cas, lorsque les gens s’en vont, ils performent après là où ils vont ou quand ils lancent leur propre business.
4. Perte de sens pour le travail
Dans ce cas, vous avez à faire à des zombies, beaucoup ici sont dans l’entreprise parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas le choix. Ils travaillent essentiellement pour payer les factures. C’est un peu comme les oiseaux du ciel ; ils se réveillent parce que le soleil est dehors et ils fonctionnent comme des automates dans la journée, le soir leur horloge biologique à l’image des animaux leur indiques qu’il faut rentrer et se coucher. A un moment donné, ceux-ci aussi laissent tomber même si dans ce cas-ci le départ prend plus de temps que dans les autres cas. Je ne voudrais apprendre rien en disant que c’est à l’entreprise et au manager de challenger chaque fois les collaborateurs à travers les innovations, les projets, l’investissement dans les gens pour qu’ils progressent constamment. Finalement on peut considérer les entreprises et collaborateurs comme toute autre relation ; elle doit être nourrie, il faut chaque fois essayer de nouvelle manière de faire, anticiper les besoins de l’autre et lui montrer toute son importance dans la relation. Sinon vous allez passer votre temps à reprendre chaque fois.
5. Projet personnel que vous n’avez pas détecté ou sur lequel vous n’avez pas accompagné le collaborateur.
Au départ, je me demandais pourquoi les grandes entreprises surtout les GAFA, permettaient à leurs collaborateurs de disposer d’une partie de leurs temps pour s’occuper de projets personnels et développer des idées personnelles. Dans mon entendement, je me disais que les collaborateurs allaient partir et que cela n’avait pas de sens. Mais à y regarder de près, je pense que c’est une stratégie qui a tout son sens. Parce que lorsque les gens ont l’impression qu’ils travaillent pour votre bien-être et celui de votre famille, ils ont vite fait le calcul. Pour aller plus loin, certaines de ces entreprises financent, accompagnent et dans certains cas rachètent des projets de leurs collaborateurs ou prennent des parts dans les projets. Je vois d’ici les cheveux s’hérisser sur la tête des entrepreneurs africains, qui se disent que ce n’est pas possible dans l’environnement africain. Rappelez-vous ce qui fait les collaborateurs engagés : c’est lorsque l’organisation ou le chef d’entreprise arrive à faire un lien entre les objectifs de l’entreprise et l’objectif de vie et de carrière du collaborateur. Si les gens ont l’impression de passer à côté de leur vie ou de la rater pendant qu’ils sont avec vous entrain de vous aider à construire la vôtre, ne vous leurrez pas, ils vous quitteront. Comme le dit Robin Sharma : « LES GENS ONT UN BESOIN INTERIEUR DE FAIRE PARTIE DE QUELQUE CHOSE DE PLUS GRAND QU’EUX-MEMES ».
A la fin, vous ne pourrez pas empêcher les gens de quitter, parce qu’une entreprise est comme un hôtel, les gens sortent et rentrent. Sauf qu’ici, il faut s’assurer que ce sont les bons et meilleurs qui restent et non les médiocres et passables. Si ce sont ces derniers qui restent, il y a de forte chance que vous déposerez les clés bientôt. Si vous voulez que les bons et les meilleurs restent, vous allez devoir revoir votre mode de fonctionnement et vous assurer, que les points évoqués ici ne se produisent pas chez vous.
A votre transition managériale !
Source: Marcellin S. Gandonou
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