Togo/Fête de l’indépendance : Le message des Évêques donne de la matière à réflexion


Togo/Fête de l’indépendance : Un message des Évêques donne de la matière à réflexion

À l’occasion de la commémoration des 63 ans d’accession à la souveraineté internationale du Togo, la Conférence des évêques du Togo (CET) a partagé avec les Togolais un message fort qui suscite de nombreuses interrogations.

Nous vous proposons en intégralité dans cet article le message de la Conférence des Évêques du Togo, à l’occasion de la célébration du 63ᵉ anniversaire de l’indépendance du Togo

Togo/Fête de l’indépendance : Un message des Évêques donne de la matière à réflexion

Intégralité du message de la Conférence des Évêques du Togo

Chers frères et sœurs

Chers concitoyens,

La célébration du 63ᵉ anniversaire de la fête de l’indépendance de notre pays, le Togo, nous offre l’occasion de vous adresser ce message non seulement comme Évêques et Archevêques du Togo ou comme pasteurs d’une Église, mais avant tout comme fils qui partagent avec vous tous un même héritage, une même Nation : le Togo.

Oui, le Togo est la terre remise entre nos mains par le Créateur. Il est celui qui nous relie aux générations passées et futures ainsi qu’à chacun des frères et sœurs de la génération présente. Et à ce titre, nous tous, filles et fils de cette génération, sommes des acteurs d’une Nation à construire, car elle est toujours en devenir.

Une Nation en devenir signifie fondamentalement que l’indépendance, fait historique du 27 avril 1960, invite à un combat permanent pour l’édification d’une communauté politique prospère, d’un pays où il fait bon vivre pour tous car le droit et la justice sont mis au service de la cohésion sociale. N’est-ce pas ce qui ressort de notre hymne « Terre de nos aïeux », où le Togo est qualifié de l’« Or de l’humanité » ? Que faisons-nous de ce projet ? Suffit-il de le chanter, de le citer dans des discours pour qu’il prenne corps ? Certainement pas.

Voilà pourquoi l’hymne qui va encore retentir dans les différentes cérémonies, à l’occasion du 63ᵉ anniversaire, nous lance cet appel pressant : Togolais, viens, bâtissons la cité.

Certes, des efforts appréciables sont réalisés sur divers plans, et il importe de les reconnaître pour les encourager. Cependant, nous devons tous nous engager ensemble à « aller au large », encore plus loin dans la construction de notre pays. Et c’est l’objectif de ces questions que nous nous posons avec vous.

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En effet, peut-on bâtir la Nation togolaise sans la reconnaissance de la diversité sociologique, ethnique, religieuse, politique, etc.? Pourquoi la reconnaissance de la diversité, comme source de richesse, a-t-elle du mal à prendre corps dans notre pays ? Pourquoi les ethnies, les associations, les confessions religieuses, les partis politiques sont devenus des moyens de division, de tension au lieu d’être des lieux de dialogue, des sources pacificatrices du vivre-ensemble dans l’harmonie des différences ?

Pourquoi la méfiance, le soupçon, la duplicité, le désir de supprimer l’autre, de le réduire au silence par tous les moyens prennent-ils si facilement le dessus dans notre pays ?

En 2016, pour le 56ᵉ anniversaire de la fête de l’indépendance, notre Conférence, dans sa lettre « Soyons responsables dans la justice et la vérité », avait déjà indiqué trois piliers pour la construction du vivre-ensemble dans notre pays : la justice, la responsabilité et la vérité.

La justice

On ne peut tenir ensemble dans un pays que par la justice et la justice sociale. Une Nation peut-elle se constituer quand les injustices sociales ne cessent de croître à cause de la mauvaise répartition des richesses de toute la communauté nationale ? La cohésion sociale peut-elle être une réalité quand des citoyens n’ont plus confiance dans l’institution de Justice de leur pays, institution chargée pourtant de dire le droit et de faire respecter le droit ?

La responsabilité

Être responsable, ce n’est pas seulement répondre de ses actes, mais c’est aussi être le gardien de ses frères et sœurs. Avoir la garde de quelqu’un, n’est-ce pas un acte de bienveillance et d’attention ? Être responsable, c’est également promouvoir le bien commun. Quel est notre rapport au bien commun ? Quelles sont nos représentations sur les biens publics ? Le Togo, comme héritage, est-il vraiment notre bien commun ?

La Vérité

Troisième pilier du vivre ensemble. La vérité construit la communauté et le Christ affirme qu’elle rend libre. Et parce qu’elle rend libre, elle permet à chacun de faire son examen de conscience pour sortir des différentes pulsions qui nous empêchent de nous réaliser comme être social.

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C’est à ce titre qu’elle est une invitation à plus de clarté et d’effort ; et c’est sous cet angle que nous aimerions analyser avec vous tous, filles et fils de la Nation togolaise, la situation sociopolitique actuelle de notre pays. Il ne s’agit pas d’indexer qui que ce soit, mais de nous mettre tous sous la lumière de la vérité qui libère individuellement, mais aussi collectivement, car, il nous semble que nous sommes à une ère cruciale de notre histoire.

En tant que fils de ce pays, mais aussi en tant que pasteurs, nous observons des mouvements pour la commémoration de notre indépendance. Des prières et des célébrations religieuses sont organisées, des discours sont en préparation, des défilés, des rassemblements par quartiers, etc.

Et c’est en ce moment que surgissent en nous des questions que nous voulons partager avec vous, nos chers concitoyens :

  • Peut-on célébrer l’indépendance sans une conscience nationale ? Faisons-nous vraiment Nation ? Avons-nous conscience d’une destinée commune pour notre Nation ?
  • Y a-t-il indépendance sans développement qui nous permet de nous affranchir de la tutelle économique des autres et valoriser nos richesses, nos savoirs et nos compétences ?
  • Y a-t-il indépendance sans la sécurité sur nos propres terres ?
  • Y a-t-il indépendance sans la justice sociale qui permet à chacun d’aspirer légitimement au bonheur ?
  • Y a-t-il indépendance sans civisme et engagement de tous à bâtir une nation forte et prospère ?
  • Y a-t-il indépendance sans enracinement d’un véritable État de droit démocratique ?

Parce que l’indépendance, la vraie, implique l’engagement de chacun, elle se révèle comme un combat permanent. Mais combat contre quoi ? Dans 1 Corinthiens 5, 7, Saint Paul nous invite à nous purifier du vieux levain qui nous empêche de construire la Nation. Et quand nous regardons notre pays, ce que nous identifions comme vieux levain est, essentiellement, de deux ordres : la division et le pouvoir.

La division

Pouvons-nous construire une Nation quand la division est érigée comme mode d’être, comme mode pour avoir des positions, pour jouir des privilèges et bénéficier des avantages ? La division empêche tout dialogue dans notre société, elle est devenue une source d’interminables calculs à tous les niveaux. Elle conduit au refus du pluralisme et présente souvent l’autre comme un ennemi, car il ne pense pas la même chose que nous.

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Le pouvoir

La conception dominatrice du pouvoir est source de violence et de frustrations. Elle conduit souvent à des abus qui disloquent le lien social et rétrécissent les espaces de liberté. Tel que le faisait remarquer l’Archevêque de Lomé, « l’abus de pouvoir peut, dans un certain sens, imposer le calme, mais il ne s’agit que d’une apparente tranquillité qui masque de frustrations prêtes à exploser à la première occasion dans une tentative de libération face à l’arbitraire. Seul le respect de la véritable autorité crée les conditions d’un vivre ensemble harmonieux » (cf. Mgr Nicodème BARRIGAH-BENISSAN, Crise d’autorité et abus de pouvoir).

Chers frères et sœurs, chers concitoyens, le Christ ne nous enseigne-t-il pas la conception du pouvoir comme une diaconie, un service ? Des philosophes et des penseurs ne nous livrent-ils pas la conception du pouvoir comme capacité d’agir ensemble avec les autres ? Pour bâtir notre Nation, nous devons changer notre façon de nous représenter le pouvoir et de comprendre ainsi que l’indépendance passe par l’interdépendance, la reconnaissance de l’autre et de ses compétences.

Il nous semble que tout cela est possible et que ce n’est pas une utopie. L’Évangile nous enseigne qu’une petite quantité de levain, enfoui dans la pâte, suffit pour faire lever toute la pâte.

Le Togo, notre pays, ne manque pas d’hommes et de femmes pour le transformer de l’intérieur en vue d’un vivre ensemble plus harmonieux. L’avènement du Togo, l’or de l’humanité, est à ce prix.

Parce que l’avenir de notre Nation dépend de chacun de nous, en vous disant bonne fête, nous souhaitons que chaque Togolaise et chaque Togolais soit ce levain qui transforme de l’intérieur notre Nation en étant acteur social.

La Conférence des Évêques du Togo (CET)

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