DOSSIER : POURQUOI CES RAPPEURS CONTRÔLENT LE GAME ?


Combien sont ces artistes togolais qui roulent sans IDENTITÉ ARTISTIQUE ? Cette négligence leur ferme à huis clos les portes du succès. Condamnés par ignorance, ils chanteront pendant des lustres en côtoyant la misère car classés en catégorie UJUT (Underground un jour, underground toujours). Ce fait n’est pas dû au talent car parmi eux, figure une masse super talentueuse. Pourquoi donc ne sont-ils pas visibles ? Ont-ils une identité propre à eux ? Dans l’écosystème du Hip Hop togolais, certains artistes qui feront l’objet de notre dossier exploitent à fond ce facteur, raison pour laquelle ils s’imposent facilement au public. Quel lien existe alors entre la musique et toute l’imagerie autour d’un artiste ?

C’est dommage mais savoir bien chanter ne suffit pas pour toucher le jackpot.

Au contraire d’ERIC MC, ALI JEZZ peut encore faire le plein du palais des congrès. Qui peut nier cette assertion ? Tout ne tient qu’à l’image de marque. Un artiste ne se présente pas, il se fait plutôt remarquer. Crois-tu être reconnu facilement comme un artiste dans une foule ? (question à un artiste qui serait entrain de lire)

Pour sortir du lot grossissant des artistes, il faut aujourd’hui se bâtir une particularité, avoir un positionnement. La musique doit être avant tout une extension de votre identité visuelle. Auparavant, c’était la tâche des labels de production de travailler le packaging de l’artiste mais aujourd’hui, ce travail incombe aux artistes eux-mêmes. Si particularité vous avez, maisons de production et majors, vous intéresserez. Cela fait un gain de temps et d’argent car ces derniers aiment aujourd’hui prendre l’artiste déjà mûr, prêt à être exposé au public et éventuellement le marchander. Chez nous, ceux qui ne négligent pas ce facteur connaissent un engouement considérable. Certains l’ont peaufiné à la suite de leur carrière et d’autres sont carrément nés avec. Ils sont au nombre de sept (7). Let’s talk about them !

 

MIC FLAMMEZ

Vous pensez à qui quand on dit PDRG ?

Sans ce surnom forcé, PDRG, il n’y aura pas de MIC FLAMMEZ. On est tous d’avis ? L’artiste n’a pas attendu que le public lui donne ce surnom car le rap, c’est aussi l’affirmation de soi. MIC roulait sa bosse sur les bancs de l’underground avant qu’il sorte le titre PDRG. Le plus marrant, c’est que ce morceau n’est pas son meilleur mais a été un tremplin pour sa carrière. Il a redéfini une nouvelle image de lui. Du MIC chétif et candide, on verra un MIC barbu avec un look de gangster, véhiculé, fraichement signé Pamobar. Il a su recréer un monde qui le différencie de l’époque BC WARRIORS. Si vous me demandez pourquoi les fans l’aiment tant, je dirai qu’ils s’identifient à lui. Il chante l’envie, les haters, l’argent. MIC est sujet de tous les clashes de ce game donc en quelques sortes il relate son vécu (attention à ne pas faire trop étalage au risque de finir par lasser le public). Il est classé parmi les rappeurs les plus riches du Togo et par référence, est le premier rappeur à signer un contrat brand ambassador avec l’opérateur téléphonique Togocel.

 

 

FOFO SKARFO

Certains en sont venus à oublier son nom pour l’appeler par son gimmick préféré FOFOTSE. Avant, l’artiste n’était juste qu’un simple rappeur à la voix  rock qui grattait de bons textes engagés. De SKARFO, il est passé à FOFO SKARFO. Ce FOFO a tout changé. Au début, beaucoup ne se sont pas vite adaptés car l’image ne mariait pas vraiment le phénomène d’où l’importance de se réinventer. FOFO (mot éwé voulant dire grand frère),  ce mot a pris de l’importance avec le nouveau look de ce dernier. Dread locks, gabarit avec un style vestimentaire mélangeant modernité et tradition. L’artiste s’est remodelé tant musicalement (son passage du hardcore depuis l’époque de LA SOURCE avec des textes en français au mina dans une musique plus africaine et qui parle plus de lui-même) que sur le plan image. Certains mots sont sa création : elatsé, fofotché. Sur le plan virtuel, l’artiste s’est vite imposé grâce à une charte graphique et un code couleur ; du rouge et du noir. Ses musiques sont toutes hors du commun. Il touche à un public partagé entre le monde de la réflexion et du divertissement et sa musique en est le reflet. Les chansons de FOFO SKARFO ne s’écoutent pas mais se réécoutent. A la première écoute, vous ferez passer le son sur son côté ludique, veuillez alors le réécouter svp !  Le public conscient était conquis depuis le début de sa carrière. Il impacte par ses photos, ses scènes, son look et à travers ses apparitions médiatiques. Il joue beaucoup la carte de la rareté et nous savons que «ce qui est rare a de l’importance». FOFO SKARFO, c’est la cohérence entre sa musique, sa personne et son image sur tous les plans. Il fait beaucoup du Name dropping. Dans ses morceaux, il fait revenir presque les titres de ses prochains ou anciens morceaux. Agomayi se retrouve dans « Victoire » et dans « Meilleur Ratpeur », « Balle Perdue » ou « Avoumekpe » se retrouve dans « Sugar », ceci pour dire qu’il reste fidèle à son monde artistique et son champ lexical. FOFO SKARFO, c’est l’artiste dont on ne comprend pas le mythe. Il a un caractère subliminal. En pleine réinvention, il monte sur scène actuellement avec un look mi traditionnel, mi moderne. Le mot OPYOM (OPEn YOur Mind) est un concept propre à lui. Son rêve est simple : devenir le meilleur rappeur africain. Notons que toute cette imagerie lui permet aujourd’hui d’être l’ambassadeur de la marque de boisson MOUTAI de la chine au Togo. Ceci n’est pas un hasard car l’artiste connait bien la chine, le design de la boisson est son code couleur, du rouge à prédominance.

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ELOM 20CE

Depuis le début de sa carrière, il a vite fait de choisir son camp. Un camp pas facile à squatter mais ce choix n’est que le reflet de la personne de 20CE. Fin activiste, il a su faire la fusion entre son art et l’activisme, de quoi se réjouir du mot « artiviste » qui est sa création. Même s’il était risqué d’opter pour un domaine qui ne rentabilise pas assez et que les gens craignent à cause de son ingérence politique ou panafricain, ELOM a su prendre ce risque. C’est un panafricain, quelqu’un qui corrige les mœurs par le biais de la musique. Il n’hésite pas à faire valoir son leitmotiv ‘Libre et sauvage’ à qui veut l’entendre. Aujourd’hui, c’est le seul dans son domaine. Son image graphique aussi l’illustre bien. Ses visuels, covers font un peu vintage, ancien avec une interprétation qui donne un punch à première vue. ELOM 20CE, son ou ses graphistes font partie de son monde, ils se retrouvent dans sa création.

« Un artiste ne doit pas chercher à travailler avec le meilleur graphiste mais plutôt avec celui qui maitrise le mieux son monde artistique »

Ses prestations scéniques sont carrément l’illustration de sa musique. Ce qui est intéressant avec le personnage est qu’au début, il n’était pas tant admiré mais ce n’était qu’une question de temps avant qu’on ne découvre l’énorme monde qu’il a créé (Des fois ça prendra du temps mais ça en vaudra la peine, donc armez-vous de patience). Avez-vous vu le look de l’artiste ? C’est à forte proportion du traditionnel souvent accompagné d’un chapeau toubab, des masques africains et le tour est joué. Son succès n’a rien de surprenant pour celui qui revisite ses œuvres. Au lieu de courir à la recherche d’une reconnaissance spontanée, il a taillé sa spécificité afin que personne ne puisse jamais faire comme lui.  Aujourd’hui, il se positionne comme l’un des meilleurs rappeurs togolais. Il nage à contre courant car, l’artiste crée ses propres scènes du fait de son message qui n’est pas souhaitable sur des podiums parrainés par les politiques. Ceux qui te parlent de l’artiste lui ressemblent et ça c’est très important. Pour nous, on est en 2018 mais ELOM 20CE est déjà en 2081. Vous voyez déjà le délire du gars ! Il développe sa collection de streetwear Asrafo bawu qui incarne son personnage et son credo

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PEEWII

Founoufa comme gimmick, rap hardcore et dirty lyrics. PEEWII rappe la perversité, le sexe, les grosses fesses et ça lui va bien. Son monde c’est de l’explicit lyrics. Il ne s’est pas créé en pleine carrière, il s’est présenté au public avec toute cette imagerie. Avant même de s’intéresser à sa musique, on craint la personne. C’est un peu le Kaaris togolais, celui dont on a peur. Voilà ce qui fait sa particularité. PEEWII est l’artiste qu’on aime sans le crier tout haut à cause des normes morales, un peu comme la vidéo ‘‘medusa’’ de Mc Jéhovah. Son public est ghetto, gangster, des hustlers. Par son look, ça se voit qu’il ne joue pas un personnage, il est à fond dans son rôle comme Tony dans Scarface. Il a fait son apparition même grâce a un clash qui a sombré en partie toute la GRG. Ce n’est pas Mic flammez qui dira que les clashes ne sont pas le fort du gars. Toujours dans des histoires de violence, ce rappeur a vite fait l’objet de censure sur un morceau Azura. Et en rap, la censure est la meilleure promo en référence à fuk da police de NWA. Il nourrit sans cesse son public grâce à ses lyrics dont lui seul a le secret. Sa rythmique traditionnelle condensée de proverbes africains est aussi son originalité. Il faut aussi souligner ses jeux de mots. ATIGLAMATA ou LOGOTI qui sont ces titres sont aussi ses surnoms. C’est le genre de rappeur qui vient faire du sale même dans une soirée où ce n’est pas permis. Il reste à se créer une bonne charte graphique et quelques astuces pour étoffer son image et le tour est joué. Il est le porte étendard de son quartier ADKP.

 

KANAA

Sans Djanta, il n’y a pas de  KANAA. Ajouté au titre Djanta, il possède le fameux chiffre porte bonheur, 33. Si vous voulez un avis absolu, KANAA a commencé par susciter l’intérêt grâce à Djanta.
A l’époque, son groupe 585 n’était plus d’actualité, son poste d’animateur à la radio lui avait fait de bonnes relations dans le milieu showbiz, il venait d’avoir un coup d’avance sur la communication digitale et était attendu par un public en manque de patience. Il fera quoi ? Sera-t-il de taille en solo? C’était quelques unes des questions que le public se posait. Et comme l’attente était une bonne aubaine, il créa la campagne « j’attends djanta ». Il a finalement été niqué par son propre buzz âpres le lancement mais s’est pressé de se rattraper avec « et p8 kw ». Le son n’a pas marché mais le titre est resté. Un titre qu’il a su imposer avec des mixtapes et freestyles avant le lancement de son premier vrai projet #TNPD. KANAA parle beaucoup du social. Sa phrase fétiche qu’on ne pourra jamais lui voler est : 33 combats 0 défaite. Il a développé une marque de streetwear qui prend en crescendo, djanta wear

 

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YAOVI  KHETETI

Ce gars fait plus de 20 ans dans le game mais est toujours présent et va au front quand il le faut. Il rentre un peu dans la ligne de FOFO SKARFO car au début, il roulait en groupe (cyclone) et avec ses compagnons, ont été écrites les premières pages de rap au Togo. Menant une carrière partagée entre le solo et le groupe, il sortit son album « Parmi les meilleurs« , suivi d’un concert dédicace au palais des congrès avec 3000 places occupées/3000. Il a subit aussi le revirement du rap textuel, classique au rap technique, trap avec de courts couplets. Il n’a pas hésité à rajeunir face à la tempête et s’est proclamé en ‘Togo bé 2pac’ c’est-à-dire le 2pac togolais. Avec ce nouveau pseudonyme, on verra un YAOVI plus épuré sur ses textes, ses instrus et sa technique qui ne laisse même pas présager un brin d’old school. Ce n’est pas un miracle s’il est encore sollicité sur les scènes, tout n’a tenu qu’à son travail, à son dévouement et surtout à sa flexibilité à regarder sous une forme objective.

 

 

PIKALUZ

Son sac au dos est son grand mythe ! Toute sa différence avant de venir à sa musique se trouve dans cette habitude. Il ne l’a pas fait sur le coup d’un hasard. Une phrase le confirme : enya kpètèa le djimé gogogo (jamais sans mon sac à lyrics au dos). Il s’est présenté avec « bintoua » et vite a défrayé la chronique. Il s’est enraciné très tôt et a le soutien indéfectible de ses admirateurs qu’il rassemble sous le nom ATINGLINYI TEAM. Son quartier katanga est aussi un sujet qu’il rappe et porte dans son cœur de quoi avoir le retour de l’ascenseur de ce dernier. Le sujet de notre étude prend encore tout son sens si on vous donne l’issue du clash entre Hamzess et lui. Aujourd’hui, PIKALUZ est très loin devant ce dernier à cause de sa marque de fabrique très différente contrairement à Hamzess qui est une pale copie de MIC FLAMMEZ. Pour parler de sa musique, on dirait qu’il rappe avec une voix écorchée qu’il fait sciemment. De bons lyrics et une team solide lors de ses prestations. Aujourd’hui, le résultat est là. En un an de carrière, il a déjà deux trophées à son actif, plusieurs scènes et d’énormes chansons.

 

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