Lilikopé, 10 décembre 1973, à quelques kilomètres de la ville de Tsévié (localité situé à 35 km au nord de Lomé), une Ford Capri venait de faire un accident, ses quatre roues dressées en direction du ciel. Des trois occupants, une connaitra la mort : Bella Bellow.
La diva togolaise au légendaire chasse-mouche en queue de cheval, alors qu’elle venait de terminer une prestation sur invitation de la radio diffusion dans sa ville d’origine Atakpamé, ne refoulera plus, du moins vivante, le sol de Lomé. Elle rendit l’âme dans la ville qui l’a vue naître, elle n’avait que 27 ans et vivait encore l’effervescence d’une carrière musicale prometteuse. Et cet accident survenait justement à la veille d’une tournée aux États-Unis, après ses cartons répétés un peu partout dans le monde. Bella Bellow, l’artiste; sa carrière, retour sur une symphonie…. hélas inachevée !
Un parcours exceptionnel
Grande voix africaine des années 60-70, Georgette Nafiatou Adjoavi Bellow alias Bella Bellow, est née le 1er janvier 1945 à Tsévié (Togo). Après ses études primaires et secondaires, elle décide d’aller en Côte d’Ivoire dans le but de poursuivre ses études en Secrétariat ; elle en profitera pour apprendre du solfège. À l’époque déjà elle a su se distinguer en participant aux fêtes populaires et récitals scolaires.
Sa carrière en elle-même débutera quand « le rossignol des bois » rencontrera Gérard Akuesson le premier éditeur phonographe africain en France par l’entremise de Paul AHYI. Tout de suite la machine se mit en branle, en 1965, Bella Bellow honorera de sa voix les festivités commémorant l’indépendance du Bénin, Dahomey à l’époque sur invitation du Président Hubert Maga.
L’année qui suivra, en 1966 donc, elle foulera le sol de Sedar Senghor à l’occasion du premier festival mondial des Arts Nègres à Dakar. Le temps d’une prestation, le public était scotché comme si, de la voix de la jeune togolaise, il en était envouté. La voix de Bella Bellow transperce les frontières et c’est bientôt toute l’Afrique qui la sollicitera. Bamako, Cotonou, Dakar, Libreville, Kinshasa, ou encore Douala ; les mythiques salles de ces villes et leurs publics des grands jours ont connu la Diva togolaise. Ils retiendront tous des souvenirs d’une belle dame à la voix suave et gracieuse.
Fort de ces exploits répétés et confirmés sur le continent, elle décide d’aller à la conquête du public occidental. Chose qui se réalisa grâce à son producteur Akuesson. Bella Bellow pose valise en France et s’y installe. En 1968, elle donnait spectacle chaque soir au club de l’Etoile à Paris accompagnée par Manou Dibango. L’année qui suivra, la coqueluche des mélomanes enregistre son premier disque 45 tour Zélié et Rockya. De véritables tubes! Elle fera déborder toute suite l’Olympia de Paris. La salle dont rêve tout artiste.
Désormais, Bella l’étoile est au firmament de la gloire, elle aura la chance de rencontrer son idole Myriam Makéba qui lui fit ces éloges : « Tu es la plus grande chanteuse africaine francophone ». De tels compliments n’ont fait que ragaillardir la Bella Bellow.
Les tubes s’enchainent et les prestations aussi. 1970, au Brésil plus de 100 000 personnes présentes au stade Maracaña portèrent la Diva au pinacle sous des applaudissements et cris allègrement nourris. L’année qui suivra, la belle des rives du Zio, multipliera ses apparitions scéniques et récoltera félicitations de partout, que ce soit en Guadeloupe, aux Antilles ou en Yougoslavie.
Elle sera même la vedette de plusieurs émissions télévisées à Bruxelles, à Genève et à Paris où elle passera sur la seule et unique chaine de télévision à l’époque à 12 h 30, peu avant le journal. Des shows télévisés dont elle avait déjà le secret. Elle a fait bloquer le standard d’une télévision
ivoirienne par des fans tombés sous le charme de sa voix pendant 240 minutes, soit plus de deux fois le temps réglementaire d’un match de football.
Une carrière éphémère mais remplie
Ses tubes Zélié, Denyigban, Blewu, Nye Dzi, Lafoulou et d’autres encore retentissent malgré les années, au plus profond de bon nombre de mélomanes d’ici et d’ailleurs. Et c’est justement à titre d’hommage, que des morceaux de la dame dont l’effigie était frappée des billets de 10 000 Fcfa, seront repris un peu partout dans le monde.
De Julie Akofa Akoussah à Guen en passant par Vicky Bila, Dee Kwarel, Vanessa Worou, Angélique Kidjo, Ribouem ou encore Tunisiano ; ils rendront tous hommage à la Blueswoman africaine Bella Bellow.
50 ans après la disparition de Bella Bellow
50 ans après sa mystérieuse disparition, le Togo a vu émerger de nombreux talents ; cependant, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que Bella Bellow demeure encore à ce jour, le vrai porte-étendard, l’icône, sinon la pionnière de la musique moderne togolaise.
Toute l’histoire de sa vie pourrait être comparable à un concert ; un concert où les souvenirs découlant d’un instant d’échange d’émotions, demeurent éternels. Et, spectateurs que nous sommes, aurions aimés que ce concert finisse sur un air moins triste. Mais hélas, la belle rose n’a pas espéré l’automne. Fauchée en pleine efflorescence, elle n’avait qu’un peu plus de deux décennies ! Le rossignol n’eut fait que le temps d’une luciole dans la nuit…
Lynk Florent
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