Le nom est parfois plus qu’une simple étiquette. Il peut porter un destin. Pour Atisso Goha, sculpteur togolais à l’univers artistique singulier, son prénom, qui signifie « bois coupé » en éwé, semble avoir tracé dès le départ une voie évidente.
Celle de la sculpture. Celle d’un dialogue intime avec la matière brute. Celle d’un art enraciné dans les traditions africaines, mais résolument ouvert aux questionnements contemporains.
« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années ! »
C’est sur les bancs de l’école, encore adolescent, que l’histoire commence. Curieux, habité d’un désir de créer, Atisso sollicite l’aide d’un artisan sculpteur. Pendant quelques mois, il apprend les bases, s’initie aux techniques, s’imprègne des gestes.
Mais très vite, son esprit s’évade vers d’autres horizons, ceux des formes géantes, monumentales, presque mystiques. Son imaginaire déborde des formats classiques.
Il voit grand. Il veut sculpter des personnages de quatre à sept mètres de haut, inspirés des croyances, mythes et figures ancestrales du Togo.
Il récupère le bois, les souches, les racines. Il assemble, taille, grave. À ce matériau de prédilection viennent s’ajouter d’autres matières de récupération, des feuilles de tôle, du bronze, des déchets industriels, qu’il recycle et transforme.
Car Atisso Goha est aussi un artiste de la conscience écologique, soucieux de la mémoire des objets et de leur seconde vie.
Le sculpteur des géants
On l’appelle « le sculpteur des géants ». Un surnom né de ses œuvres devenues sa signature. Le public togolais les découvre en 2021 lors de l’exposition Les Géants d’Afrique, dans les jardins de l’Institut français de Lomé.
À travers ces figures imposantes, Atisso Goha dénonce les maux du continent, à savoir le terrorisme, les dérives du pouvoir, l’oubli des valeurs culturelles africaines.
Sa sculpture n’est pas seulement esthétique ; elle est porteuse de message. Elle est cri, elle est mémoire, elle est revendication.
L’artiste affirme :
« Mes œuvres parlent de spiritualité, de la déshumanisation progressive que causent certaines technologies, et de la nécessité de retrouver l’essentiel. »
Son art symbolique, examine les tensions entre tradition et modernité, entre passé et présent, entre nature et industrie. Et toujours, cette volonté de faire émerger une parole africaine, libre, forte, enracinée.
De Lomé à Paris : un parcours déjà international
Malgré son jeune âge, Atisso Goha s’est fait un nom bien au-delà des frontières togolaises. En 2019, il reçoit l’Oscar de la Créativité Africaine au concours international de sculpture du Caire.
Il expose ensuite en Suisse, en Italie, et malgré la pandémie, projette virtuellement ses œuvres aux Beaux-Arts de Paris, où il est invité pour des échanges artistiques.
Là-bas, il partage sa technique, ses inspirations, et surtout sa vision :
« Mon objectif est de valoriser l’art africain, le faire connaître, le faire dialoguer avec d’autres cultures. Mais surtout, montrer que notre continent regorge de talents et de voix singulières. »
Il regrette toutefois l’absence d’écoles de formation artistique au Togo, qui freine l’éclosion de nouveaux talents.
Lui-même en est la preuve vivante, avec peu de moyens, mais beaucoup de détermination, on peut faire émerger un art authentique et puissant.
KOKOLI : Quand les déchets industriels deviennent des œuvres d’art…
En 2025, Atisso Goha revient sous les projecteurs avec KOKOLI, une exposition soutenue par Galerie Artémis, CFAO Mobility Togo, SAB Plast et Lomé Digital School.
Le projet, exposé dans les showrooms de CFAO à Lomé jusqu’au 6 juin, illustre une nouvelle facette de son engagement, le recyclage comme acte artistique et citoyen.
« Kokoli » signifie « dépotoir » en éwé. Mais sous les doigts d’Atisso, ce mot devient poétique. Il parle de renaissance.
Il évoque la beauté cachée du déchet. Moteurs, ferraille, vieilles pièces automobiles, tout peut devenir sculpture, à condition d’avoir le regard juste… et la main inspirée.
Atisso Goha : Un artiste à suivre, un regard à écouter
Atisso Goha n’est pas seulement un artiste. Il est un bâtisseur de formes, un gardien de la matière.
Son travail, à la fois ancré et visionnaire, propose une autre manière de penser le monde, une autre façon de raconter l’Afrique. Une Afrique puissante, debout, inventive, qui transforme ses douleurs en géants d’espoir.
KOKOLI est visible jusqu’au 6 juin 2025 dans les locaux de CFAO Mobility Togo, à Lomé. Entrée libre et gratuite, du lundi au vendredi de 8h à 17h.
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